Comme l’explique Alain Paraillous, d’aucuns s’étonneront de cette passion pour la chasse de l’alouette ou même des chasses qui, jusqu’au début du XXe siècle, concernaient nombre de petits passereaux, moineaux, pinsons, mésanges, linottes et autres ortolans. Une idée reçue voudrait que ces chasses soient réservées aux régions méditerranéennes. Pourtant, nul besoin de remonter à l’Antiquité pour retrouver trace de ces multiples techniques artisanales et populaires un peu partout à travers l’Europe, aussi bien au nord qu’au sud, à l’ouest et à l’est. C’est en revanche essentiellement dans l’aire latine qu’elles se sont perpétuées, avec un attachement fort. En France, l’alouette est le plus petit passereau chassable. Les autres petits oiseaux sont exclus de la chasse par la Loi depuis plusieurs décennies. Mais il n’en a pas toujours été ainsi. Dans les campagnes du XIXe siècle et même jusqu’au milieu du XXe, temps plus parcimonieux, on allait très peu chez le boucher. La prolifération des petits oiseaux venait améliorer le quotidien, aussi bien à table que sur les marchés. Les petits oiseaux jusqu’à la taille de la grive étaient vendus, souvent « sous le manteau ».
Après la soupe, un moineau grassouillet, accompagné d’une large tranche de pain de 5 livres, faisait le repas d’un enfant comme celui d’un adulte. La chasse aux petits oiseaux faisait partie de la vie quotidienne. Chaque automne, après les semailles, les alouettes et autres petits passereaux étaient capturés par dizaines à l’aide de lacets faits de crin de cheval tressé. Dans chaque ferme que comptait la campagne, quelques matoles permettaient de capturer les petits passereaux. On pratiquait aussi de nuit. Attirés par la lumière d’une lanterne, les oiseaux s’approchaient de la flamme sans voir le chasseur qui les assommait d’un coup de raquette. En ces temps, on capturait aussi les grenouilles à l’aide d’un parapluie renversé et on collectait les escargots par centaines les nuits d’orage.
Autres temps, autres jeux, en ces temps où les enfants des campagnes ne connaissaient ni la télévision, ni internet et encore moins les smartphones, la chasse aux petits oiseaux comptait parmi leurs distractions favorites. Du moins pour les garçons. Armés d’une fronde – un « tir » en patois local – fait d’une branche de noisetier en forme de Y et de deux élastiques, les plus adroits ramenaient le souper pour le soir. Les chardonnerets et les serins, au plumage chatoyant, participaient aussi aux loisirs des enfants, qui collectaient les nouveau-nés pour les installer dans une cage à proximité du nid, de telle façon que les parents continuent à leur porter la becquée. Une fois tirés d’affaire, ils rejoignaient une cage plus spacieuse pour égayer la maison. C’était un temps où ces captures n’étaient pas réglementées, avant que d’exotiques perruches ou canaris remplacent ce ciel sauvage encagé.