Mythologie, épopées et chasse dans les arts et la littérature

Arts et littérature

Dans des sociétés où la chasse comptait tant, le chasseur ne pouvait qu’être une grande figure des arts et de la littérature. Textes antiques ou médiévaux convoquent abondamment le chasseur, ses exploits et son gibier et ce, jusque dans les récits miraculeux, dont la littérature haut-médiévale abonde. Les thèmes cynégétiques sont présents dans les arts de l’Antiquité. Ils y glorifient bien plus souvent le combat du chasseur affrontant des animaux, que la chasse à proprement parler. Durant le haut Moyen-Âge, du VIe siècle à l’orée du XIIe siècle, l’iconographie est très pauvre en scènes de chasse. À l’inverse, les siècles suivants sont floraison d’images et d’enluminures dans les livres, puis de tableaux et de photos. Les textes n’ont que rarement pour objet principal les questions cynégétiques et se départissent rarement de considérations plus philosophiques ou spirituelles.

À la suite des textes de l’Antiquité, tel « l’Iliade » d’Homère (VIIIe siècle av. J.-C.), dans les romans courtois et de chevalerie médiévaux, les faits cynégétiques ponctuent le récit, dans « Tristan et Iseult » ou dans les légendes arthuriennes chez Chrétien de Troyes (1130 – 1190). Trois thèmes principaux servent de trame aux légendes : l’animal sauvage, qui permet de découvrir des passages ou des lieux et même des objets saints ; l’ermite, qui protège un animal sauvage avec qui il s’est lié d’amitié et, enfin, le chasseur, impénitent converti par un animal miraculeux. Hostile à l’homme, lieu d’errance et du non-apprivoisé, la forêt abrite sous ses frondaisons des animaux dangereux ou parfois hybrides, comme les licornes et les hippocentaures mais aussi le cerf, animal christique qui terrasse les diaboliques serpents et dragons. Ils y côtoient preux chevaliers, fées et ermites, dans un univers qui confine au magique et à l’enchanté.

Animaux fantastiques et miraculeux

Chassant le vendredi saint, au mépris des obligations chrétiennes, Hubert d’Aquitaine (656-727) se trouve entraîné au plus profond de la forêt par le cerf blanc que poursuit sa meute. Interrompant sa course, le grand cerf lui fait face, une croix lumineuse apparaît entre ses bois et une voix – celle de Dieu – invite le futur saint Hubert à se convertir au catholicisme et à porter la bonne parole. C’est ce qu’il fait en devenant évêque de Liège, de Maëstricht et de Tongres jusqu’à la fin de ses jours, en l’an 727. C’est néanmoins bien plus tard, au XVe siècle, que l’hagiographie se construit. Doté du pouvoir de guérir la rage, aussi bien chez les humains que chez les chiens et le bétail, il deviendra aussi le saint patron des chasseurs. Des siècles durant et bien après Pasteur, l’étole de l’évêque et une clef sont appliquées en guérison du terrible mal. Des pèlerinages, nombreux, sont également organisés. Ces pratiques retiennent peu ou prou l’assentiment de l’Église, ce qui est rare et il en est de même des traditionnelles messes célébrées encore au vingt-et-unième siècle chaque 3 novembre, au bénéfice des chasseurs, des meutes et des chasses.

La légende de saint Hubert est loin d’être une singularité dans l’histoire des conversions religieuses. Elle rappelle notamment celle de saint Eustache, officier de l’Empereur romain Trajan, qui six siècles auparavant, est appelé à se convertir à la religion chrétienne par le cerf qu’il chassait à courre et entre les bois duquel était apparue une croix lumineuse. La présence du cynégétique au sein du religieux est une constante historique, au moins depuis les mythologies grecque et romaine de l’Antiquité. La Déesse grecque Artémis, sœur d’Apollon et vierge impitoyable, est la maîtresse de la nature et des animaux sauvages. Déesse de la chasse, qu’elle aurait inventée, elle est souvent représentée accompagnée d’une biche et munie de son arc. L’historien et philosophe grec Xénophon relate le don de la chasse au centaure Chiron, qui l’enseigne à Achille, Jason, Esculape, Ulysse, Castor, Pollux et Énée, entre autres héros de la mythologie grecque. C’est à l’occasion d’une partie de chasse qu’elle tue accidentellement son compagnon Orion, ou, selon les versions, qu’elle l’abat d’une flèche, par jalousie. Pour se venger d’Actéon, autre compagnon de chasse, elle le transforme en cerf pour le punir de l’avoir surprise à la baignade dans une fontaine. Actéon, changé en cerf, n’est plus reconnu par ses chiens. Sa meute le chasse jusqu’à la curée. Dans la mythologie de la Rome antique, la déesse Diane est assimilée à Artémis, dont elle recouvre les attributs et la légende.

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Saint Georges et le dragon © st-george-and-the-dragonverona-ms

Le traité cynégétique

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Château de Foix, Arriège

Style dédié à l’art cynégétique, il est connu dès l’Antiquité avec, par exemple, « L’Art de la chasse » du philosophe grec Xénophon et, à sa suite, Arrien ou encore Oppien de Syrie, dans la Rome antique, avec leur « Cynégétiques ». Au Moyen-Âge, c’est d’abord la fauconnerie qui donne lieu à de nombreux écrits de ce type. À partir du XIe siècle, la vénerie voit publiés les premiers traités cynégétiques. Ils sont essentiellement consacrés à sa science. Le « Livre du Roi Modus et de la Reine Racio » d’Henri de Ferrières (XIe siècle), le « Roman des déduis » publié par Gace de la Buigne (1328-1380) puis, surtout, le « Livre de chasse » de Gaston Phébus (1331-1391), deviennent des références et tout particulièrement ce dernier. Ce grand veneur du Sud-Ouest possédait 1 000 chiens de chasse à courre, dont les célèbres bleus de Gascogne, qui excellaient dans la chasse du sanglier, du loup et de l’ours.

Gaston Phébus (1331-1391) Comte de Foix et Vicomte de Béarn, compose ou, certainement, dicte ce traité entre 1387 et 1389. Les bibliothèques de tous les souverains d’Europe en comptent un exemplaire et ces derniers ne manquaient pas de lui demander conseil lorsqu’il s’agissait de chasse, y compris le Prince noir, aîné des fils du roi d’Angleterre. Ce traité sera réimprimé maintes fois et même en anglais. La chasse, la maîtrise de son art et sa pratique, participent de l’affirmation d’un prestige et d’un rang social dans une société féodale hiérarchisée et codifiée. La chasse y constitue une pratique sociale et souvent politique, majeure. Dans ces traités, on apprend la chasse comme exercice rédempteur ou en ce qu’elle prévient l’oisiveté, vice rédhibitoire pour le Paradis ou, encore, parce qu’elle favorise l’entretien d’un corps et d’un esprit sains chez le jeune chevalier, tout en le préparant à la guerre.

L’affirmation du rôle de la chasse en tant qu’entraînement au combat ou à l’équitation militaire est récurrente. Cette fonction, si souvent mise en avant, mériterait certainement d’être relativisée. Celui qui sera amené à porter les armes et à en faire usage contre l’ennemi ne peut que tirer bénéfice d’une pratique éprouvante de l’équitation d’extérieur lors des chasses. Sans aucun doute, il en va de même du maniement des armes face à un animal de chasse, dont la force et l’ardeur représentent un réel danger. Néanmoins, la monte et les armes de chasse sont très différentes des techniques militaires et, servir un sanglier ou un cerf est assez peu comparable au maniement des armes visant à donner et parer des coups au combat. Pour ce qui est de l’intérêt de pratiquer un exercice physique, si tant est que celui-ci fasse défaut à cette époque, il est indéniable. Pourtant, il est certainement plus un effet induit que la motivation de la pratique, qui relève avant tout et surtout de la passion cynégétique.

Chasse et musique – Corne, pibole et trompe

Les chasses se déroulant sur de vastes espaces, souvent en forêt, il est essentiel que les chasseurs puissent communiquer entre eux sur le déroulement de la chasse ou sur les actions à entreprendre, tout en maintenant un contact avec la meute. Corne, cor, pibole et trompes de chasse, instruments à vent, apportent en cela une solution très appréciable. La corne, généralement de bœuf, est percée d’une embouchure à son extrémité la plus réduite. Elle est parfois équipée d’un système de pipet qui porte également le nom de anche. À défaut, le son résulte de la simple position des lèvres de l’utilisateur lorsqu’il souffle dans l’instrument. Une coquille de conque peut également être utilisée à cette fin. Tout aussi rudimentaire qu’efficace, la corne est largement utilisée pour la chasse à tir, encore aujourd’hui. Elle est parfois remplacée par la pibole, instrument de cuivre mesurant entre vingt et cinquante centimètres de longueur. Ces instruments produisent un son pouvant, au mieux, comporter deux tons, mais pas de musique.

Dès le haut Moyen-Âge, le cor de chasse devient l’attribut du chasseur. Il ne s’agit pas de l’instrument de musique enroulé auquel la dénomination pourrait laisser penser. Instrument d’appel par excellence, il est issu de la traditionnelle corne animale. Fait de corne, il peut également être façonné en ivoire, en métal, en céramique ou en bois. Le nom donné à l’instrument est souvent lié à son usage ou au matériau dont il est fait. On le dénomme parfois huchet, parce qu’il sert à « hucher, » c’est-à-dire à lancer un appel à très haute voix ; « olifant » lorsqu’il est fait d’ivoire ou encore « araine, » lorsqu’il est constitué d’airain, à savoir de bronze. Il est droit ou plutôt légèrement courbe, ce qui d’ailleurs catégorise l’instrument de chasse par opposition à ceux prévus pour l’usage militaire, qui sont généralement droits. Ce n’est qu’à la toute fin du XVe siècle et durant le XVIe siècle, qu’une version enroulée s’impose petit à petit dans les cercles aristocratiques.

Sous le règne de Louis XIV (1643-1715), la vénerie se pare d’une tenue magnifique et de boutons non moins rutilants, les allées et carrefours des forêts sont redessinés pour que le théâtre cynégétique puisse être admiré et il ne manquait plus au laisser-courre qu’une musique à la hauteur du spectacle. C’est ainsi que fut créée la trompe de chasse. La trompe primitive fait son apparition dans l’équipage royal dans les années 1660. Elle joue cinq notes et bouleverse déjà les usages. Les premières fanfares sont à peine créées que, déjà, les facteurs d’instrument améliorent la trompe pour qu’elle joue douze notes. En 1705, le Marquis de Dampierre (1676-1756) l’adapte avec un accord en ré et une longueur de tube de 4,54 mètres enroulés sur un seul tour. Cette trompe mesure 73 centimètres de diamètre. Sous le règne de Louis XV (1715-1792), pour réduire cette taille démesurée et limiter l’encombrement de l’instrument, le tube est enroulé sur 2,5 tours. Tirant son nom du dauphin, le fils du Roi, elle porte le nom de dauphine. Encore aujourd’hui, c’est cette trompe dauphine qui rythme les chasses à courre.

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Illustrations du Livre de chasse de Gaston Phébus (1331-1391) © BNF

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