Mordorée magique et insaisissable – la chasse de la bécasse

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La migration des oiseaux a de tout temps émerveillé les hommes et s’il en est un parmi eux qui fascine, c’est bien la bécasse. Si le surnom de mordorée lui vient des couleurs de son plumage, sa discrétion, ses mœurs nocturnes et, sans nul doute, son insaisissabilité, ont construit l’image de cet oiseau que la difficulté de la chasse a définitivement contribué à faire entrer dans un registre magique, voire ensorceleur. Déjà en 1742, le Comte de Buffon, grand naturaliste, introduisait en ces termes la présentation de l’oiseau dans ses « œuvres complètes » : La bécasse est peut-être de tous les oiseaux de passage, celui dont les chasseurs font le plus de cas. Et jusqu’ici rien n’est venu apporter démenti… Le président François Mitterrand écrivait ainsi à son propos : Au hasard de mes promenades, j’en lève quelquefois, de ces jolis oiseaux au bec flexible, si fin, si long, qu’il peut saisir larves et vers, trois ou quatre centimètres au travers de l’humus, aux grands yeux sombres haut perchés, les oreilles juste au-dessous, ce qui n’est pas donné à grand monde. En France, c’est immuable, la bécasse vient rejoindre ses quartiers d’hivernage vers la mi-octobre et même un peu plus précocement en moyenne montagne. Solitaire et peu active le jour, c’est dans une grande discrétion qu’elle occupe les bois, petits et grands, en Lot-et-Garonne comme ailleurs en France. À la nuit tombée, elle quitte sa remise pour gagner les prairies, où elle recherche les vers de terre. Dès l’aurore, elle rejoint sa remise diurne, pour laquelle les sous-bois dégagés et la haute futaie ne lui conviennent pas. Elle affectionne les taillis mixtes et les landes hautes. Elle s’installe au sol et joue de sa vision à 360° pour voir venir ses prédateurs.

Sans un chien de chasse expérimenté, le chasseur aurait peu de chance de lever une bécasse. Imperturbablement immobile, sûre de son mimétisme presque total, elle sait que rien ne presse car la rapidité de son envol et les crochets qu’elle opère dans sa fuite, la mettent à l’abri de la plupart de ses poursuivants potentiels. De l’automne à l’hiver, le bécassier parcourt la forêt. La chasse des chiens d’arrêt, présentée dans le paragraphe dédié au petit gibier, permet de comprendre que certains seront plutôt des adeptes des chiens anglais : setters, les plus utilisés ou pointers, moins fréquents. D’autres, tenants des chiens continentaux, dont la quête est plus courte et moins lointaine, préféreront les braques, peu communs, les khortals ou, les épagneuls, dont l’épagneul breton, spécialiste de la bécasse. N’oublions pas le cocker, qui n’est pas un chien d’arrêt. Il appartient à la catégorie des chiens leveurs et broussailleurs. Lui aussi est un spécialiste de la bécasse, même s’il ne marque pas l’arrêt, pas plus que les springers. Vous l’aurez compris, chacun sa chasse, chacun son chien. À l’envol de l’oiseau magique, c’est le temps qui s’arrête. Le chasseur n’a que quelques courtes secondes pour tenter un tir instinctif. Et lorsque la chance lui sourit, le chien rapporte la dame au long bec. Empreinte d’un grand respect, la première caresse du maître va à l’oiseau des bois, la deuxième aux chiens, fidèles compagnons, au bois comme à la maison. Passion de chasse, fascination pour l’oiseau et complicité avec le chien, voilà des bécassiers comblés de ces indescriptibles joies simples, sans cesse perpétuées au fil des générations.

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