Distribution et écologie
Le pigeon ramier (Columba palumbus), notre palombe, fait partie de la famille des colombidés, comme tous les autres pigeons mais aussi les tourterelles, les colombes et encore un peu plus de 250 autres espèces à travers le monde. Deux autres espèces de pigeons sauvages, elles aussi chassables, sont présentes en France. Le pigeon biset (Columba livia) est l’ancêtre sauvage quasi éteint du pigeon domestique. Les pigeons dits « de clocher » ou « de ville », sont des pigeons bisets domestiques retournés à l’état sauvage. Le pigeon colombin (Columba oenas), dit « rouquet » dans le Sud-Ouest, est une espèce plutôt discrète dont les comportements migratoire et hivernant sont proches de celui de la palombe. Ses effectifs sont en revanche nettement moindres mais son statut de conservation est favorable. Il utilise les vieux arbres creux et les petites cavités rocheuses pour installer ses nids. Il est chassé, notamment en palombière, en même temps que la palombe.
Description des trois espèces
Palombe ou pigeon ramier
Nom scientifique : Columba palumbus
Ordre : Colombiforme
Famille : Colombidé
Genre : Columba
Envergure : 75 à 80 cm Poids : 500 g
Longueur : 45 cm
Plumage : gris bleuté ; Cou long avec reflets métalliques verdâtres et pourprés et large tache blanche chez l’adulte, absente chez les juvéniles ; Liseré blanc sur l’aile chez l’adulte, couleur chamois chez les juvéniles.
Pigeon colombin
Nom scientifique : Colomba oenas
Ordre : Colombiforme
Famille : Colombidé
Genre : Columba
Envergure : 63 à 69 cm
Poids : 300 g
Longueur : 30 cm
Plumage : dominante bleu-gris et
reflets violets ; Reflets vert métallique sur le côté du cou.
Pigeon biset
Nom scientifique : Columba livia
Ordre : Colombiforme
Famille : Colombidé
Genre : Columba
Envergure : 62 à 72 cm forme sauvage
Poids : 340 g
Longueur : 35 cm
Plumage : gris-bleu avec iridescente verte
sur le cou – Iris doré – Forte variabilité des formes domestiques.
Alimentation
Le régime alimentaire de la palombe varie au fil des saisons et des disponibilités alimentaires. Il comprend essentiellement des végétaux verts en fin d’hiver et au printemps (jeunes pousses, semis de céréales et oléo-protéagineux, feuilles, bourgeons) ; des grains en été (graines de céréales et oléoprotéagineux, galles de feuilles de chênes, feuilles) ; les glands, les faînes et les baies, tout particulièrement de lierre mais aussi des noisettes, en automne et début d’hiver. En période d’élevage des poussins, quelques vers, escargots et chenilles sont également consommés. Un liquide caséeux produit par le jabot des parents, dit « lait de jabot » leur permet de nourrir leurs pigeonneaux durant les trois premiers jours de leur vie. Par la suite, la nourriture végétale remplace progressivement le « caséum. » Les parents accumulent graines et végétaux dans leur jabot et les régurgitent sous la stimulation des pigeonneaux qui introduisent leur bec et picorent l’intérieur du gosier des parents.
Grégaire et omniprésente
L’aire de répartition de la palombe concerne toute l’Europe, de l’océan Atlantique à l’Ouest, jusqu’aux monts Oural à l’Est, aux portes de la Sibérie. L’espèce est présente de la Scandinavie, au Nord, jusqu’au sud de l’Europe, où sa distribution concerne l’ensemble des pays du pourtour méditerranéen situés entre la péninsule Ibérique et la Turquie. Elle est également présente en Irak. Une population sédentaire est même installée en Afrique du Nord. En France, la palombe est à la fois migratrice et hivernante mais aussi, comme dans la plupart des régions d’Europe, une espèce nicheuse. Désignée autrefois comme forestière, la palombe est aujourd’hui commune dans les plaines et les coteaux agricoles, tirant le meilleur parti des haies et des cultures. On la rencontre aussi de plus en plus fréquemment en ville et dans les hameaux. Ce comportement, normal pour un oiseau qui sait tirer parti des opportunités de son habitat et s’adapter aux changements, témoigne de l’accroissement des populations. Dès la fin de la saison de reproduction, lors de la migration postnuptiale puis durant l’hivernage, la palombe observe un comportement grégaire, le jour sur les sites d’alimentation, la nuit en dortoirs. En hivernage, les dortoirs peuvent regrouper plusieurs dizaines de milliers d’individus et jusqu’à plusieurs centaines de milliers dans la Péninsule ibérique.
Philopatrique et territoriale au printemps
La palombe fait preuve d’une fidélité marquée à sa région de naissance. Dans la plupart des cas, elle y retourne chaque année pour nicher, jusqu’à retrouver le même arbre et le même emplacement pour le nid. Ce comportement porte le nom de philopatrie. Le territoire est choisi à l’initiative du mâle, qui fait alors preuve d’une territorialité marquée. Associant vols en cloche, claquements d’ailes pendant l’ascension et roucoulements poussés, il parade dès fin février. À l’approche d’une femelle, il peut émettre un chant plus sourd et court, dit « appel au nid. » Une fois formé, le couple reste généralement uni pendant l’intégralité de la saison. La construction du nid implique la coopération des deux sexes, le mâle apportant généralement des brindilles tandis que la femelle construit le nid.
La période de ponte est calée sur la photopériode (durée du jour) et les disponibilités alimentaires, pour permettre aux parents de disposer de suffisamment de temps pour s’alimenter et nourrir leurs poussins. La palombe pond généralement 2 œufs, plus rarement 1 ou 3 et réalise 2 à 3 couvées dans la saison. L’incubation, essentiellement assumée par la femelle, dure 17 jours. Les poussins sont nourris au nid par les deux parents durant trois semaines puis, encore, durant une à deux semaines après avoir pris leur envol. Une nichée de remplacement intervient rapidement si le nid vient à être détruit.
La migration
Périple plus ou moins long, la migration atteint jusqu’à 3500 km. Elle est effectuée en deux à quatre semaines, entrecoupées de haltes migratoires qui durent entre un jour et trois semaines. Les axes migratoires utilisés par les palombes qui fréquentent le Sud-Ouest sont aujourd’hui bien identifiés. Ils traversent la France vers le Sud-Ouest, pour franchir les Pyrénées sur la frange occidentale du massif, voire en bord de mer. Un axe dit nordique est à l’origine de l’arrivée de palombes qui ont niché en Allemagne, en Belgique, au Luxembourg et aux Pays-Bas. Un deuxième axe, dit central, voit affluer des oiseaux nés en Europe centrale et en Scandinavie. Ils sont à l’origine de l’arrivée de la majorité des palombes qui passeront l’hiver soit en péninsule Ibérique, soit dans le Sud-Ouest. Un troisième axe de migration, dit méditerranéen, assez mineur en termes d’effectifs, est utilisé par des oiseaux venant d’Italie, de Hongrie et des pays alentours.
Les voies migratoires de descente et de retour vers les sites de nidification sont identiques. Toutefois, l’hivernage n’a pas obligatoirement lieu dans le sud-ouest de la France ou dans le sud de l’Espagne et du Portugal. Des stratégies migratoires plus courtes sont aussi observées et même, parfois, un hivernage à proximité des sites de nidification, en France ou plus au Nord. Ces stratégies peuvent même varier d’une année sur l’autre pour les mêmes oiseaux. Les comptages montrent que les effectifs migrants sont stables, malgré une migration transpyrénéenne qui peut fluctuer fortement d’une année sur l’autre.
L’hivernage dans le Sud-Ouest et la Dehesa ibérique
Les effectifs hivernants en Espagne varient, d’une année sur l’autre, entre 2,5 et 4 millions, en fonction du succès de la reproduction des nicheurs sédentaires mais, surtout, de l’afflux des palombes en migration, tributaire du succès de la reproduction dans les régions plus septentrionales et des conditions météorologiques qui influencent la migration transpyrénéenne. Le XXe siècle a vu le nombre de palombes hivernantes croître considérablement en France. Dans le Sud-Ouest, les premiers dortoirs apparaissent dans l’Armagnac gersois et landais dès les années 1950 mais il faudra attendre les années 1980 pour voir les effectifs hivernants commencer à augmenter réellement. En garantissant l’accès à une source de nourriture abondante durant tout l’hiver, le développement de la maïsiculture dans le Sud-Ouest a été déterminant. Les sociétés de chasse ont créé de nombreuses réserves de chasse et de faune sauvage pour accueillir les dortoirs de palombes et leur assurer la quiétude indispensable à leur stationnement. Ces mesures de gestion cynégétique ont eu un effet décisif. Selon les années, les effectifs hivernants varient, entre 5 et 10 millions d’individus, dont 60 % de palombes nées en dehors du territoire national, plus au Nord et à l’Est.
Gestion cynégétique et conservation
Le statut de conservation du pigeon ramier est très favorable sur l’ensemble de son aire de répartition. En Europe, l’abondance de l’espèce s’est accrue de 113 % sur la période 1980-2015. En France, les effectifs nicheurs, estimés entre 2,5 et 3,5 millions d’individus, ont connu un accroissement de 85 % entre 1996 et 2010. La palombe, malgré cette situation avantageuse et une excellente adaptation à son habitat, connaît une mortalité naturelle non négligeable. L’impact de la prédation sur le succès reproducteur est fort. Le taux de réussite atteint 40 % à l’éclosion et 60 % à l’envol, soit 20 à 30 % en moyenne. En contexte urbanisé le taux de réussite des nichées est 3 à 4 fois supérieur à ce qui est observé en nature. Durant les deux premières années de vie, le taux de mortalité est plutôt élevé. Il tend ensuite à se stabiliser, autour de 65 à 70 % de survie interannuelle. Les adultes continuent à faire l’objet d’une pression de prédation non négligeable, mais aussi des mortalités causées par les pathologies auxquelles l’oiseau est sensible, particulièrement en hiver ou encore par collision.
La palombe est le premier gibier chassé en France, avec des prélèvements annuels proches de 4,9 millions d’individus, dont 1,1 à 1,9 million en Aquitaine. Gibier très prisé en Lot-et-Garonne, les deux tiers des chasseurs s’y intéressant, les prélèvements à la chasse avoisinent les 200 000 individus chaque année. La FDC 47 a instauré un plan de gestion cynégétique départemental qui encadre réglementairement les périodes et les modalités de la pratique pour assurer une chasse durable et une gestion efficace. C’est dans ce cadre que des chasses printanières, strictement encadrées et circonscrites, ont permis d’apporter une solution à la recrudescence des dégâts sur semis d’oléo-protéagineux constatée dès le milieu des années 2010. Un peu plus de 40 % des communes du département sont concernées par ces chasses spéciales, sans incidence sur la population de palombes mais avec une réelle efficacité pour prévenir les dégâts.
Pigeon ramier
Source : BirdLife International, 2021.
Statut de conservation IUCN (Europe) : LC Least concern
Estimation population européenne : 48 400 000
Tendance en Europe : En augmentation
Pigeon biset
Statut de conservation IUCN (Europe) : LC Least concern
Estimation population européenne : 9 710 000
Tendance en Europe : Inconnu
Pigeon colombin
Statut de conservation IUCN (Europe) : LC Least concern
Estimation population européenne : 1 700 000
Tendance en Europe : En augmentation
Le GIFS – 30 ans d’études sur la palombe
Sous la houlette de son président Jean-Roland BARRÈRE (†) et de Valérie COHOU, chargée de mission, les études conduites par les Fédérations départementales des chasseurs du Sud-Ouest, sous l’égide du Groupe d’investigations sur la faune sauvage (GIFS), permettent aujourd’hui de mieux connaître la palombe. Écologie, comportement, alimentation, effectifs et dynamique de populations ou encore comportement migratoire, ces travaux ont fait l’objet de nombreuses publications scientifiques et de communications dans les colloques internationaux. Basés initialement sur du baguage et sur des comptages en plaine, aux cols pyrénéens puis en Espagne et au Portugal, ces techniques sont utilement complétées aujourd’hui par des suivis satellitaires. Avec plus de 20 000 bagues posées, trente années de comptages et désormais une soixantaine de balises Argos posées sur des oiseaux capturés et relâchés en nature, ce sont des avancées considérables qui ont été faites dans la connaissance de l’autoécologie de l’espèce. Avec d’autres travaux s’intéressant aux effectifs nicheurs, conduits sous l’égide commune de la Fédération nationale des chasseurs et de l’Office français de la biodiversité (OFB) ils constituent les outils de suivi de populations indispensables à l’élaboration des politiques publiques de gestion de l’espèce.