La grande vénerie

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La chasse à courre ou vénerie, compte en France près de 400 équipages qui regroupent un peu plus de 10 000 veneurs et 100 000 suiveurs, 30 000 chiens et 7 000 chevaux. La grande vénerie s’adresse au grand gibier ; la petite vénerie au lapin, au lièvre et au renard, tandis que le blaireau et le renard font l’objet de vénerie sous-terre ou déterrage. En France, la vénerie est pratiquée dans près d’un département sur deux, principalement dans le Bassin parisien, le Centre, la Bourgogne, le Sud-Ouest, en Poitou-Charentes, en Normandie et dans l’Ouest. Le faible prélèvement auquel cette chasse donne lieu, de l’ordre de 450 sangliers, 400 cerfs et 900 chevreuils, est à mesurer à l’aune des prouesses qu’elle exige. Le Lot-et-Garonne compte dix équipages, dont sept qui découplent dans la voie du lièvre, deux dans la voie du chevreuil.

La chasse à courre ne se départit en rien de ses cérémoniaux traditionnels, codifiés dès le XVe siècle. L’instrument dédié, la trompe, permet aux veneurs de communiquer tout au long de la chasse grâce à des fanfares de circonstances ou d’animaux, très précises. La tenue vestimentaire, très soignée, comprend un gilet et une redingote munis de boutons frappés à l’effigie de l’équipage, comme l’épingle qui maintient la cravate de vénerie, blanche, sur chemise blanche. Les équipages, ou rallyes, lorsqu’ils ont décidé d’emprunter le terme anglais, sont dirigés par un maître d’équipage, propriétaire des chiens et, généralement, de l’équipage, à moins que celui-ci soit constitué sous forme associative. La chasse est en règle générale conduite par un « piqueur » ou « piqueux », bénévole dans les petits équipages. En grande vénerie, les chiens sont servis à cheval par le maître d’équipage et le piqueux. Les boutons et les invités chassent également à cheval. En petite vénerie, l’utilisation du cheval est plus rare et dans la plupart des cas, les chiens sont servis à pied. Les suiveurs, profitent du spectacle, pour le plaisir des yeux et des oreilles, en assistant au laisser courre à pied ou à cheval.

Avant la chasse, tôt le matin, la recherche des traces « fraîches » d’un cerf ou d’un sanglier, phase que les initiés appellent : « faire le bois », conduiront, si possible à « rembucher » l’animal de chasse, à savoir localiser précisément sa remise. À la chasse au chevreuil, ces préoccupations sont de moindre importance, contrairement au sanglier et même au cerf, chez qui seul le cerf mâle est chassé à courre. Rapport est rendu au maître, devant tout l’équipage, qui ne tarde pas à se mettre en selle pour rejoindre le lieu de l’attaque. Souvent, seuls dix à vingt chiens sont découplés pour le « rapprocher », phase durant quelques minutes à plus d’une heure, au cours de laquelle est démêlé le parcours nocturne des animaux chassés. Lorsque les chiens arrivent à la remise des sangliers ou des cerfs, ils se mettent au « ferme. » Dès que l’animal de chasse quitte sa remise, c’est le lancer. La meute redouble de récris et se lance à sa poursuite. Le maître d’équipage ou le piqueux donnent alors le reste de la meute de chiens.

Courtoisie, respect de l’animal de chasse, amour du cheval et passion du chien courant, caractérisent la chasse à courre. Quintessence de la chasse au chien courant, elle vit pour et à travers ses grands chiens d’ordre : anglo-français tricolores, blanc et orange ou blanc et noir, poitevin, billy, porcelaine, chien français tricolore, blanc et orange ou blanc et noir mais aussi parfois fox-hound. L’élevage fixe et transmet les aptitudes de chaque lignée au fil des générations et sélectionne les meilleurs traits de caractère, de chasse et de rapidité. Un équipage qui chasse le cerf, comme celui qui chasse le sanglier, on l’appelle alors un « vautrait, » découple entre trente et soixante chiens ; un peu moins pour la chasse du chevreuil. La meute, homogène, est composée de chiens de même race, de même pied et parfaitement créancés. À défaut : point de prise…

La meute doit maintenir son animal de chasse suffisamment longtemps pour parvenir à le forcer, avant d’être elle-même éreintée par l’effort, soit 30 à 40 km de chasse à travers champs et bois, durant une à trois heures. Animal chassé et veneurs disposent de chances de succès réparties assez équitablement. Contrairement aux cervidés, qui multiplient les ruses, notamment celle du hourvari, le sanglier cherche son salut dans le rapport de force en courant à vive allure puis, lorsqu’il sent venir la fatigue, après une à deux heures de course, s’arrête dans un fourré pour faire face aux chiens. S’il parvient à trouver un fourré à l’intérieur duquel sont gîtés d’autres sangliers, il se faufile parmi eux, pour essayer de livrer un de ses congénères à la meute. Le cerf, comme le chevreuil, tentent, eux aussi, très fréquemment ce subterfuge. Peu de chiens sont en capacité de démêler les empreintes olfactives pour ne pas se laisser tromper. Si la meute change d’animal, il en est fini de la chasse car, d’une part l’éthique de la vénerie l’exige et, d’autre part, les chiens n’ont généralement pas la ressource physique pour chasser un deuxième animal.

L’art de la vénerie est exigeant et les éléments ne sont pas toujours du côté du veneur. Le sentiment, à savoir les molécules odoriférantes que laisse l’animal chassé, ne s’impriment pas toujours au sol ou sur la végétation. Pire encore, il arrive parfois qu’elles ne soient pas restituées au flair pourtant aiguisé de la meute. Les conditions météorologiques y sont pour beaucoup, notamment la température et la différence entre celle du sol et celle de l’air, le dégel, qui crée de mauvaises conditions ou le vent, qui emporte les odeurs, parfois sur plusieurs dizaines de mètres. Lorsqu’il est pris, l’animal de chasse est servi à la dague ou à l’épieu. Au cours d’une cérémonie appelée la curée, la meute reçoit une grande part de la venaison, en récompense de son travail. Les veneurs rendent hommage à la meute et à l’animal de chasse, en sonnant des fanfares qui retracent le déroulement de la chasse. Le maître d’équipage honore du pied avant droit de l’animal, tressé, celui, membre de l’équipée, hôte ou invité, qui a pu s’illustrer au cours de l’épopée sylvestre. L’équipage sonne la fanfare des honneurs.

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