Particulièrement développé, le réseau de ruisseaux, rivières, fleuve et canaux, représente un linéaire cumulé de 7 400 km d’eaux courantes en Lot-et-Garonne. Deux très larges vallées parcourent le département d’Est en Ouest. Le fleuve Garonne, qui prend sa source dans les Pyrénées espagnoles pour se jeter dans l’océan Atlantique, rencontre, à Aiguillon, son affluent la rivière Lot, née dans le Massif central. Ces deux cours d’eau connaissent un régime de type pluvionival, caractérisé par de hautes eaux en hiver et au printemps, avec, parfois, des crues exceptionnelles et de basses eaux en été et en automne. Ruisseaux et petites rivières drainent les vingt bassins versants du département, des coteaux vers les vallées. Nombre d’entre eux bénéficient d’un soutien d’étiage, garanti par des retenues collinaires de grande taille. Les rivières privées de ce type de réalimentation estivale sont beaucoup plus sensibles aux variations saisonnières.
Plusieurs cours d’eau du département présentent un enjeu fort pour les poissons migrateurs, notamment pour l’accomplissement du cycle reproductif. Deux réserves, deux sites Natura 2000, quatre arrêtés de biotopes et un plan de gestion des poissons migrateurs (PLAGEPOMI) prévoient des dispositions visant à assurer la conservation de la grande alose (Alosa alosa), de l’alose feinte (Alosa fallax), de la lamproie marine (Petromyzon marinus), de la lamproie de rivière (Lampetra fluviatilis), de l’anguille (Anguilla anguilla), du saumon atlantique (Salmo salar) et de la truite de mer (Salmo trutta) ou encore de l’écrevisse à pattes blanches (Austropotamobius pallipes).
Ecosystèmes lentiques – Les eaux calmes et à renouvellement lent
Mares, étangs, lacs, marais et marécages ou lagunes mais aussi gravières ; ces milieux particuliers accueillent une faune et une flore qui relèvent d’enjeux patrimoniaux souvent forts. Ils peuvent avoir une origine naturelle ou résulter des activités humaines. Dans l’histoire, nombre d’étangs et mares ont été créés en réponse aux besoins agricoles, domestiques et industriels. Nous étudierons plus loin les cas des retenues collinaires à vocation agricole et des milieux humides landais.
L’histoire de ces biotopes est alors liée à celle du site et aux pratiques humaines locales. C’est aussi le cas des prairies humides. Leur flore, caractéristique, associe graminées et joncs, dans des sols submergés à l’occasion du débordement hivernal des cours d’eau adjacents. Cette végétation est maintenue par la fauche ou le pâturage. Les oiseaux migrateurs tels que la grue cendrée (Grus grus) ou le guêpier d’Europe (Merops apiaster) recherchent ces milieux riches en nourriture. Le maintien des prairies humides, à fort enjeu patrimonial au plan national, est lié à la présence d’un élevage bovin ou ovin développé. La régression des deux est tout autant liée et le Lot-et-Garonne compte aujourd’hui très peu de prairies humides.
Les vallées du Lot et de la Garonne présentent un nombre conséquent de carrières d’extraction de granulats à ciel ouvert, certaines en cours d’exploitation. Lorsque l’activité cesse, l’aménagement post-exploitation est régi par un strict encadrement prévu au Schéma départemental des carrières (SDC). Beaucoup échappent alors au renflouement. Dans ces secteurs très anthropisés que sont les vallées alluviales du Lot et de la Garonne, les gravières accueillent une biodiversité riche. Elles contribuent à la continuité écologique, notamment, des amphibiens, à la fois des espèces pionnières comme le crapaud calamite (Bufo calamita) et le Pélodyte ponctué (Pelodytes punctatus) et lorsque la végétation rivulaire s’est développée, la rainette méridionale (Hyla meridionalis) et le pélobate cultripède (Pelobates cultripes). La présence de ce dernier est d’ailleurs souvent liée à ce type de milieux en Nouvelle-Aquitaine. Les fronts abrupts et riches en sable et graves permettent à l’hirondelle de rivage (Riparia riparia) comme au guêpier d’Europe (Mérops apiaster) de creuser une galerie afin d’y construire leur nid. Le martin pêcheur (Alcedo atthis) viendra, lui aussi, rapidement s’installer.
Beaucoup plus étendue avant les grands travaux d’assainissement et de boisement en pin maritime qui ont été généralisés sous Napoléon III, la lande humide est un biotope typique des sols hydromorphes des Landes de Gascogne. La végétation est dominée par la bruyère ciliée (Erica ciliaris), la bruyère à quatre angles (Erica tetralix), l’ajonc nain (Ulex minor) et la molinie bleue (Molinia caerulea). Ces habitats attirent le courlis cendré (Numenius arquata), le busard Saint-Martin (Circus cyaneus), la fauvette pitchou (Sylvia undata) et le hibou des marais (Asio flammeus). La lande humide se rencontre aujourd’hui en fond de vallée, de dépression, de bas de versant ou au contact des tourbières mais aussi, parfois, lorsque le boisement de pin maritime est retiré. En l’absence de fauche ou de pâturage, bouleaux et saules s’implantent, fermant à nouveau peu à peu le milieu. Les tourbières landaises, submergées d’eau stagnante et, de fait, pauvres en oxygène, connaissent des conditions d’anaérobiose où bactéries et champignons décomposent la litière végétale et très lentement, pour former la tourbe. La végétation typique comprend les sphaignes (Sphagnum sp.), le piment royal (Myrica gale) et la molinie bleue (Molinia caerulea).
Les lagunes trouvent leur origine loin dans l’histoire, à la fin de la dernière période glaciaire dite de Würm, il y a environ 10 000 ans. Le Lot-et-Garonne n’en conserve que dans le massif forestier landais. Pauvres en éléments nutritifs, on les dit oligotrophes. Alimenté par les eaux de pluie et par la nappe phréatique, leur niveau varie saisonnièrement. En Nouvelle-Aquitaine, ces biotopes présentent un intérêt patrimonial fort. Elles constituent un habitat naturel riche sur le plan végétal et animal. On y trouve des plantes protégées, dont une plante carnivore, le rossolis intermédiaire (Drosera intermedia), le faux cresson de Thore (Carospsi verticillatinundata) ou encore la gentiane pneumonanthe (Gentiana pneumonanthe) mais aussi une faune particulière dont le lézard vivipare (Zootoca vivipara) et des libellules : leucorrhine à front blanc (Leucorrhinia albifrons), protégée et visée par le Plan national d’action Odonates (PNA) ; leucorrhine à large queue (Leucorrhinia caudalis) et leucorrhine à gros thorax (Leucorrhinia pectoralis).
La leucorrhine à front blanc (Leucorrhinia caudalis) est une petite libellule des tourbières qui affectionne les eaux acides, pauvres en matière organique et en nutriments. Répandue dans le nord de l’Europe et en Sibérie, elle est très rare en France, où on ne la connait que dans le Jura et en Aquitaine, plus précisément dans le massif landais. En Lot-et-Garonne, on ne connait qu’un seul site où cette libellule se reproduit. Il s’agit d’une zone humide du Houeillessais, tout près du CDNPC. Un specimen a également été identifié en période estivale sur la rivière Avance, dans la forêt domaniale voisine de Campet. Ce cas-là semble néanmoins plutôt correspondre à l’observation d’un individu erratique.