Chasse, gibier et exploitation de la nature

Paléolithique inférieur et Paléolithique moyen (- 500 000 ans à – 40 000 ans BP)

Les premiers néandertaliens en Lot-et-Garonne

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Exemple de piège naturel Camp-de-Peyre à Sauveterre-la-Lémance

Il y a 500 000 ans, les premiers hommes qui s’installent en Lot-et-Garonne appartiennent à la lignée de l’Homme de Néandertal (Homo neanderthalensis), espèce au physique un tout petit peu plus rustique que le nôtre. Porteurs de la culture moustérienne, ces chasseurs-cueilleurs ont vécu sous divers types de climats. Les moustériens exploitaient des territoires assez vastes où ils chassaient principalement les grands herbivores. Au gré de leurs déplacements, ils collectaient le silex, pour produire leurs outils et leurs armes de chasse et récoltaient de la nourriture d’origine végétale. Sous climat froid, avec une végétation réduite, ils chassaient les grands troupeaux de rennes. Sous climat plus tempéré, l’activité cynégétique se concentrait sur les chevaux, les bisons ou les aurochs mais aussi le cerf, le sanglier et le chevreuil lorsque, à la faveur d’un réchauffement plus marqué, la couverture forestière atteignait à un niveau proche de celui que nous connaissons actuellement.

La chasse était collective. Elle se pratiquait à l’aide d’épieux, dans les périodes les plus anciennes, puis ensuite, à la lance. Des exemplaires de ces armes de chasse, datés de 300 000 ans et néanmoins très bien conservés, ont été retrouvés sur le site archéologique de Schöningen, en Allemagne. Ce sont très certainement des armes de ce type qui ont servi à chasser les bovidés dont les restes ont été découverts sur le site archéologique de « Sous les Vignes » à Monsempron-Libos. Néandertal chassait aussi les oiseaux, comme en atteste la griffe de rapace du site du « Moulin du Milieu » à Gavaudun. Opportuniste, il pratiquait aussi le charognage. Récupérant des cadavres flottés ou surveillant des pièges naturels, comme, par exemple, l’aven de « Camp de Peyre » à Sauveterre-la-Lémance, dans lequel tombaient accidentellement rennes et chevaux, il prélevait sur ces animaux, que la nature lui offrait sans effort, la viande dont il se nourrissait et les peaux avec lesquelles il confectionnait vêtements et tentures.

Il serait très réducteur de faire de Néandertal un lointain ancêtre aux capacités cognitives limitées. Bien au contraire, les technologies de production d’outils et d’armes de chasse qu’il a élaborées, comme les techniques et les stratégies de chasse qu’il employait, témoignent d’une grande intelligence. Son organisation sociale, structurée en groupes familiaux élargis, ne connaissait certainement pas de différence notable avec notre espèce, l’homme « moderne » (Homo sapiens), pas encore présente en Europe. Néandertal cuisait généralement ses aliments et enterrait ses morts. Il confectionnait des parures sur coquillage, dent, griffe de rapace ou plume, notamment et utilisait les colorants naturels. Il avait aussi investi le milieu souterrain, laissant les traces des premières manifestations artistiques dans les grottes, sous des formes non-figuratives, plutôt abstraites, semble-t-il, par exemple à « El Castillo » en Espagne.

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Principaux sites néandertaliens du département.

Paléolithique supérieur ancien (- 43 000 ans à – 23 000 ans BP)

Quand Homo sapiens arrive en Lot-et-Garonne

L’homme « moderne » (Homo sapiens), est arrivé dans notre région vers 43 000 ans BP. Les principales occupations datant de cette période sont situées dans le nord-est du département, dans les vallées de la Lède, de la Lémance et du Lot. Durant un temps, Homo sapiens a cohabité avec les derniers groupes de néandertaliens, avant que ces derniers disparaissent définitivement. Il est, depuis lors, la seule espèce humaine. Le climat froid qui régnait au Paléolithique supérieur ancien a créé des conditions de vie difficiles, dans un environnement plutôt hostile.

Au fil des millénaires, des groupes culturels différents se sont succédé dans nos régions. Les hommes du Paléolithique supérieur ancien chassaient les principales espèces de grands herbivores présents. C’est aussi dès cette époque que le chien semble avoir été domestiqué. Les archéologues s’appuient sur les changements qui interviennent dans l’outillage et les armes pour caractériser le groupe culturel auquel appartenaient les hommes qui ont occupé un site.

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C’est ainsi que nous observons que les Aurignaciens (43 000 à 29 000 ans BP) travaillaient l’os et le bois de renne pour confectionner leurs pointes de javelines, tandis que les Gravettiens (31 000 à 23 000 ans BP) produisaient des armatures en silex. L’invention du propulseur, arme de jet qui décuple la force de l’homme pour projeter les sagaies, intervient à ce moment de l’histoire. Ce système propulseur / sagaie constitue une arme puissante, qui a nettement amélioré l’efficacité de la chasse, par sa puissance balistique mais, aussi, parce qu’elle permettait de tirer de beaucoup plus loin qu’avec une lance, en éveillant moins la méfiance du gibier, tout en améliorant la sécurité du chasseur, qui gardait une distance rassurante avec l’animal tiré.

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Frise de la grotte préhistorique de Cougnac (46) datée de 30 000 ans avant nos jours.

Dès son arrivée dans nos contrées, l’homme moderne fait preuve de grands talents artistiques. Il les exprime parfois pour orner les abris sous roche sous lesquels il habite et, surtout, sur les parois des grottes, qu’il utilise à cette seule fin, les explorant parfois jusqu’à plusieurs kilomètres sous terre. Peinture, gravure mais aussi sculpture en témoignent encore aujourd’hui en de nombreux lieux où elles se sont conservées. L’art était aussi mobilier, éléments de parure et statuettes sont réalisés sur os, sur ivoire de mammouth ou sur bois de cervidés. Les outils et, surtout, les armes de chasse sont fréquemment décorés. Ce sont essentiellement des animaux et, généralement, les grands mammifères, qui sont représentés. Il est intéressant de noter que ce ne sont pas nécessairement les animaux les plus chassés qui sont représentés. Les figurations humaines sont plutôt rares. Notons aussi la présence constante de rites funéraires élaborés, voire complexes, comme dans le cas du site de Fournol, à Soturac (Lot), tout près du Lot-et-Garonne.

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Principaux sites Lot-et-Garonnais

Paléolithique supérieur récent (- 23 000 ans à – 12 000 ans BP)

L’apogée de l’art animalier paléolithique

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Cette période correspond au maximum de la dernière glaciation. Le renne et le saumon, gibiers abondants, sont alors les plus chassés dans le Sud-Ouest. À l’époque solutréenne (-23 000 ans à -18 000 ans BP.), les techniques de taille du silex atteignent un point culminant en termes de prouesses techniques. Les outils et les armes de chasse étaient d’une qualité exceptionnelle, tant sur le plan technologique qu’esthétique. Le Lot-et-Garonne connaît peu de sites archéologiques attribuables à cette culture. Ce sont principalement des habitats en porche de grottes, à « Cassegros, » dans la commune de Trentels, à Gavaudun, dans la vallée de la Lède ou, encore, dans la vallée de la Thèze, à « Cavart, » dans la commune de Montcabrier (Lot). Des armatures isolées, perdues lors de partie de chasse, sont également retrouvées dans l’environnement, hors contexte d’habitat. Deux inventions sont venues bouleverser la vie quotidienne à ce moment de la préhistoire. Facilitant la confection de vêtements élaborés, l’aiguille à chas marque le début de la couture. C’est aussi à ce moment que l’arc fait ses débuts. Plus précis, beaucoup plus maniable et bien plus puissant que le système sagaie/propulseur, l’arc et la flèche, dont la portée est nettement supérieure, viennent améliorer considérablement l’efficacité de la chasse.

Nouveau progrès en la matière, les Magdaléniens (-17 000 à -14 000 ans BP) développent la production d’armatures composites pour la fabrication des pointes de projectiles. Ils associent une pièce en silex, tranchante et une hampe en os. C’est aussi l’apogée de l’art animalier qui envahit les parois rocheuses, comme les objets du quotidien : armes de chasse, statuettes ou outils. En Lot-et-Garonne, la phase ancienne du magdalénien est attestée par les sites de plein air de la vallée de la Garonne, comme par celui de « Bordeneuve » à Beaugas ou encore par l’habitat en entrée de grotte de « Cassegros, » à Trentels. La phase moyenne du magdalénien est bien connue sur les sites d’habitat en abri sous roche de Sauveterre-la-Lémance, au « Roc Allan » et au « Martinet ». La phase récente qui lui succède est marquée par un fort développement de la pêche, comme en témoignent l’apparition des harpons et des foënes (-15 000 ans à -14 000 ans BP.). C’est dans cette dernière phase qu’ont été réalisés les dessins gravés de la grotte de Pestillac, à Montcabrier (Lot).

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Principaux sites Lot-et-Garonnais

Épipaléolithique et Mésolithique (- 14 000 ans à – 5 500 ans BP.)

Les derniers chasseurs-cueilleurs

Cet épisode post-glaciaire se subdivise en deux phases : l’Épipaléolithique (-14 000 ans à -11 700 ans BP.) puis le Mésolithique (-11 700 ans à -7 500 ans BP.). Intermédiaire d’un point de vue climatique, avec la fin de la période glaciaire et le passage progressif au climat actuel, elle l’est aussi sur un plan culturel. Ce furent les derniers chasseurs-cueilleurs. Dans la vallée de la Lémance, les travaux menés par le préhistorien Laurent Coulonges (1897-1980) ont largement contribué à la connaissance de cette période et, en particulier, pour deux cultures préhistoriques : le Sauveterrien, qu’il a identifié sur le gisement du « Martinet », à Sauveterre-la-Lémance et le Laborien, qu’il a découvert à « Laborie del Rey », à Blanquefort-sur-Briolance.

L’Épipaléolithique correspond aux derniers soubresauts de la glaciation. Le taux de boisement augmente ; la flore et la faune glaciaires sont progressivement remplacées par des taxons adaptés au climat de plus en plus tempéré ; l’homme s’adapte à ce bouleversement écologique. Les grands herbivores se raréfiant, les groupes culturels aziliens et laboriens se tournent vers le petit gibier, notamment le lapin ainsi que vers la pêche à la nasse et au filet, pour l’acquisition de nourriture carnée. L’art animalier qui, jusque-là, ornait les parois des grottes et les abris sous-roche, semble largement abandonné. Seuls quelques objets portent encore trace d’une perpétuation de cet art mais en mode mineur.

Au Mésolithique, la culture sauveterrienne marque une rupture définitive. Les grands herbivores grégaires qui vivaient en troupeau ont disparu, en même temps que leurs habitats steppiques. Ce sont les animaux de milieux plus fermés, forestiers, comme le sanglier, le chevreuil et le cerf, qui les ont remplacés. Les ressources végétales tiennent une part plus conséquente dans l’alimentation. Des techniques de conservation des végétaux sont attestées, notamment pour le gland et la noisette. Changement technologique général à l’échelle mondiale, l’outillage mésolithique se miniaturise, en particulier les armatures de flèches. Alors qu’elles mesuraient jusqu’à une dizaine de centimètres au Paléolithique, l’outillage devient « microlithique », au Mésolithique. La taille des armatures ne dépasse pas un centimètre.

Ces armatures « pygmées, » montées en série sur le fût de la flèche, sont parfaitement adaptées à la chasse à l’arc en milieu forestier, très fermé, pour des gibiers comme le sanglier, le cerf ou le chevreuil. La taille des territoires exploités semble nettement se réduire, certainement en lien avec l’abondance des ressources que l’amélioration climatique permet.

L’art connaît lui aussi un tournant majeur, à tel point qu’on ne rencontre quasiment plus aucune manifestation ou, pour le moins, pas sous son expression paléolithique. L’art disparaît des parois des grottes et des abris sous roches, à part dans quelques contrées, comme le Levant espagnol ou la Scandinavie. L’art mobilier, lui aussi, subit le même sort. Ce changement traduit certainement un fait culturel et social mais il n’est toutefois pas à exclure que les Mésolithiques aient utilisé des supports périssables. En Lot-et-Garonne, les rites funéraires sont attestés notamment au Roc Allan, à Sauveterre-la-Lémance, avec la découverte d’un crâne humain.

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Néolithique (- 7 000 ans BP à – 4 600 ans BP)

La transition vers l’agriculture et l’élevage

Le Néolithique produit un changement d’ordre économique et socio-culturel majeur. De chasseur-cueilleur, l’homme devient agriculteur et éleveur. Nés au Proche-Orient il y a 11 000 ans BP, agriculture et élevage diffusent peu à peu, de proche en proche, jusqu’en Europe de l’Ouest. Ce mouvement est plus ou moins rapide, au rythme de l’installation des nouveaux arrivants mais, aussi, en fonction du degré de perméabilité à l’acculturation des groupes de chasseurs-cueilleurs présents sur le territoire. Plantes, animaux domestiques et nouvelles techniques, comme la céramique et le polissage des roches, sont importées à travers tout le Bassin méditerranéen et l’Europe. Cette diffusion suit, assez concomitamment, deux voies distinctes. L’une longe les côtes méditerranéennes avant de pénétrer à l’intérieur des terres, l’autre, continentale, longe le Danube pour arriver jusqu’en France depuis l’Europe centrale et la grande plaine nord européenne. Il faudra attendre quelques milliers d’années pour que l’une et l’autre atteignent la France.

Les ustensiles et outils des chasseurs-cueilleurs laissent définitivement place aux haches polies, utiles à l’abattage des arbres – défrichage bien nécessaire au développement de l’agriculture dans un contexte forestier. Les meules à grains sont la première étape pour préparer les bouillies ou galettes de céréales, dont la production débute. Les poteries en céramique, sans se substituer complètement aux vanneries et aux peausseries, constituent un progrès considérable. Les sépultures deviennent collectives. Elles sont réalisées en grotte mais aussi dans des monuments mégalithiques, dont une douzaine est connue en Lot-et-Garonne et près de 3 000 dans le département voisin du Lot. Les agriculteurs-éleveurs sont porteurs de nombreux changements, techniques et culturels mais, en revanche, ils n’abandonnent pas la chasse. Dans nos régions, la conversion à l’élevage et à l’agriculture est très vraisemblablement passée par l’intégration au système socio-économique existant du bétail domestique et des premières céréales.

La rupture ontologique qui sépare l’homme et l’animal, caractéristique de notre pensée occidentale moderne, n’avait, sans aucun doute, pas cours en ces temps-là. Par comparaison avec ce que les anthropologues ont pu observer dans certaines sociétés traditionnelles, il est assez plausible d’envisager qu’humains, animaux sauvages, végétaux et paysages procédaient d’un continuum. Le rapport à l’animal prenait certainement place dans un ensemble cosmologique au sein duquel entités humaines et non-humaines connaissaient un dialogue permanent, dans une conception du monde ordonnée selon des concepts qui lient respect de la place et du rôle de chaque entité ; négociation symbolique avec, peut-être, des maîtres de la terre ou du gibier et exploitation, notamment par la chasse, partie intégrante des relations entre humains et non-humains.

Cette cosmologie est caractéristique d’une ontologie animiste qui, très certainement, a caractérisé les chasseurs-cueilleurs tout au long de la préhistoire. L’impressionnant bestiaire d’animaux sauvages que les Paléolithiques peignaient, gravaient ou sculptaient prenait vraisemblablement place dans ce contexte de pensée et de relation au monde. Le Néolithique, s’il marque le début d’une nouvelle forme d’emprise de l’homme sur son milieu, n’a certainement pas changé complètement cette relation à la nature. Longtemps encore, les prédateurs du bétail, en particulier le loup comme les déprédateurs des cultures agricoles ont dû continuer à être considérés comme la « part due à la nature souveraine, » très probablement, jusqu’aux premières cités-états de l’Antiquité, où ce rapport traditionnel à la nature commencera à s’estomper devant la naissance d’une séparation des tâches entre chasseur, éleveur et consommateur.

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