Lorsqu’il y a quelques 500 000 ans, les premiers hommes arrivent en Aquitaine, il y a déjà plus d’un million d’années qu’ils ont quitté l’Afrique, dont ils sont originaires. C’est précisément le moment où débute une phase de glaciations. Durant les 500 derniers millénaires, le climat n’a cessé de balancer entre périodes froides et réchauffements. Au rythme de ces changements, l’environnement a beaucoup varié, nécessitant une adaptation permanente de la flore comme de la faune et notamment de l’Homme.
Les glaciations
Quelle que soit leur durée, leur intensité ou le nombre d’oscillations, les périodes glaciaires voient systématiquement les glaciers des Alpes et des Pyrénées s’étendent, tandis que d’autres apparaissent sur le Massif central. Au nord de l’Europe, la banquise recouvre alors la majeure partie des mers et des terres. Le sol n’y dégèle pas, même en été. Lors des maximums glaciaires, la banquise et les glaciers alpins, zones inhabitables, fermaient le corridor entre grandes plaines du Nord-Est et façade ouest de l’Europe. La formation de ces imposantes masses de glace mobilisant de grands volumes d’eau et le niveau des mers baisse de plusieurs dizaines de mètres, jusqu’à plus d’une centaine de mètres. De vastes étendues se découvrent en bord de mer, sur la partie nord / nord-ouest de l’Adriatique, ainsi que sur une grande partie du plateau continental de la façade ouest de l’Europe. L’abaissement du niveau de la mer entraîne celui de l’exutoire des fleuves, ce qui induit une accentuation du phénomène de creusement des vallées. En parallèle, une forte érosion est favorisée par le faible développement du couvert végétal. Les cours d’eau fonctionnent comme des torrents plus ou moins intermittents qui charrient une grande quantité de matériaux. Ces derniers encombrent parfois leur lit, formant des îles qui s’érodent, s’agrandissent ou se déplacent, donnant un aspect changeant au paysage.
Ces cours d’eau sont dits « en tresse, » parce qu’ils dessinent un réseau complexe de bras et de chenaux qui se forment, disparaissent ou se déplacent constamment. Ils donnent accès à des stocks régulièrement renouvelés de matières premières lithiques exploitées par l’homme pour la confection de ses outils mais aussi de bois, récoltés pour divers usages ou pour alimenter le feu.
Des paysages et des animaux spécifiques
Durant les phases glaciaires
Dans les parties hautes, comme les piémonts du Massif central et des Pyrénées, le sol, couvert de mousses, de lichens, de quelques bosquets d’arbres nains (saules, bouleaux), évoque les paysages de toundra. Un peu plus bas en altitude, se développe une forêt de conifères et de feuillus, avec des tourbières rappelant la taïga. Les plaines sont des steppes, vastes étendues dépourvues d’arbres mais occupées par des graminées ou des herbes formant un tapis discontinu. Ces milieux sont fréquentés essentiellement par des ongulés souvent grégaires, plus ou moins adaptés à ces milieux particuliers : le bœuf musqué et l’antilope saïga dans les steppes froides, sèches et ventées tandis que le bouquetin, chassé des montagnes par l’extension des glaciers est présent dans les zones à relief escarpé. D’autres animaux préfèrent les grandes steppes herbeuses : le cheval et le bison, ou la toundra à lichens : le renne. Ces derniers peuvent aussi vivre en partie en forêt. Les espèces aujourd’hui disparues, mammouth, rhinocéros laineux ou mégacéros semblent également s’être bien adaptées à la steppe.
Le Bassin aquitain est alors le plus grand refuge d’Europe de l’Ouest pour la faune, comme pour la flore, inféodées aux climats tempérés à froids. Le plateau continental, dont la mer s’est retirée, est soumis aux vents du large qui se chargent en sables et limons, pour les déposer à l’intérieur des terres. C’est ainsi, par exemple, que se forme le système dunaire des landes de Gascogne. Lorsque ce phénomène est à son paroxysme, le Bassin aquitain se voit coupé en deux par une zone très venteuse et difficilement franchissable. La partie ouest du département de Lot-et-Garonne, prolongement de la plaine littorale, est dépourvue de végétation et balayée fréquemment par les vents de sables. Elle est désertée par la plupart des gibiers, à l’exception d’espèces comme l’antilope saïga qui sont adaptées à cet habitat. En dehors de cette zone inhospitalière, au nord et à l’est du département, on rencontre des paysages comparables à la trilogie arctique : toundra, taïga et steppe.
Durant les phases tempérées
Les phases de réchauffement peuvent intervenir sur un pas de temps plus ou moins long, jusqu’à moins d’un millénaire. Elles entraînent des modifications majeures. Progressivement, la forêt tempérée s’installe, le pin sylvestre en premier, puis le hêtre et, enfin, le chêne. Aux grands troupeaux de rennes, chevaux et bisons, font place progressivement de petites hardes de chevreuils, de cerfs, de daims et de sangliers. Ces espèces étaient soit déjà présentes mais peu abondantes, soit « réfugiées » dans les régions plus tempérées du continent. La fonte des glaciers et le retrait de la banquise se traduisent par une remontée du niveau de la mer. Les fleuves perdent leur caractère torrentiel pour retrouver un lit principal et un écoulement plus régulier. Une ripisylve de plus en plus fournie se développe sur leurs berges.
Il est fréquent que des glissements de terrain dans les vallons, des massifs de tufs à proximité de sources ou la construction de barrages par les castors viennent ralentir l’écoulement de l’eau, provoquant envasement du lit, création de tourbières ou formation de marécages. À cette occasion, les fonds de vallée remontent parfois de plusieurs mètres. Ce phénomène se poursuit lors des phases de défrichements au Néolithique puis au Moyen-Âge.