Département du Sud-Ouest de la France, le Lot-et-Garonne connaît des paysages variés, de coteaux et de vallées agricoles, qui occupent les 2/3 des 5 360 km2 de sa superficie. Façonnés par la polyculture céréalière, l’élevage et l’arboriculture, ces paysages comptent d’innombrables bosquets, qui occupent 10 à 15 % de la superficie, un maillage de haies relativement dense et de très nombreux lacs collinaires agricoles. L’ensemble forme une diversité d’habitats très intéressante pour la faune sauvage.
Concilier agriculture moderne et exigences écologiques de la faune des habitats agraires
La conservation de la biodiversité est une des préoccupations majeures, en France comme au plan international. Après avoir longtemps privilégié la protection de la nature lorsqu’elle présentait un intérêt exceptionnel, les politiques publiques s’intéressent aujourd’hui largement à la biodiversité ordinaire, celle des campagnes et des forêts, et même celle des zones urbaines.
Depuis la fin des années 1950, la régression des systèmes bocagers au profit de l’openfield et l’agrandissement des parcelles agricoles, ont entraîné une simplification des paysages agraires. Beaucoup d’oiseaux et plusieurs mammifères, comme le lièvre ou encore les plantes messicoles sont inféodés aux agro-écosystèmes. Leur habitat répondant moins que par le passé à leurs exigences écologiques, leur abondance et leur dynamique de population se sont infléchies. Il semblerait même que l’effet de cette régression des capacités d’accueil tende à s’accentuer depuis le début des années 2010.
S’il paraît nécessaire d’agir pour éviter une érosion préjudiciable de la biodiversité, réfléchir en termes de régression technique serait vain. Aucune profession n’accepterait de revenir soixante-dix ans en arrière en matière de conditions de travail ni de renier les modernisations qui l’ont rendue productive et rentable. Sans agriculture, la plupart des espèces concernées disparaîtraient ou se raréfieraient considérablement.
Partenariat chasseurs-agriculteurs pour la conservation de la biodiversité des campagnes
Avec la Chambre départementale d’agriculture, la FDC porte des programmes d’action visant à intervenir à la marge des parcelles et des pratiques agricoles, sans incidence économique pour les fermes mais avec un intérêt certain pour la faune sauvage et pour la biodiversité en général. De 2010 à 2020, les programmes d’action en faveur des habitats de la petite faune sauvage et de la biodiversité portés par la FDC ont permis, d’implanter 745 620 m2 de cultures à vocation faunistique et 33 224 mètres linéaires de haies dans le département de Lot-et-Garonne.
C’est dans ce cadre, par exemple, qu’à la fin des années 2000, les treize sociétés communales de chasse du Villeréalais ont créé un Groupement d’intérêt agro-sylvo-cynégétique (GIASC du villeréalais). L’intérêt des chasseurs passionnés de petit gibier (perdrix rouge, faisan, lièvre, alouette des champs, tourterelle des bois ou caille des blés) a encouragé la mise en place d’une gestion cynégétique conservatoire. Il a aussi motivé leur investissement dans de nombreuses actions d’amélioration de la qualité des habitats de ces espèces. À l’échelle de ce seul territoire, ce sont chaque année plusieurs centaines d’heures de bénévolat et plusieurs dizaines de milliers d’euros investis, notamment dans la plantation et l’entretien des haies.
Les actions sur les bords de champs ou les intercultures sont bénéfiques pour un large spectre d’espèces sauvages qui ont les mêmes besoins en termes d’habitat et de nourriture mais aussi pour la biodiversité dans son ensemble. Porté par la FDC 47 avec l’appui de la Chambre départementale d’agriculture, ce programme d’action en faveur du petit gibier et de la biodiversité a bénéficié du soutien de l’Office Français de la biodiversité (ex-ONCFS), du Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine, du Conseil départemental de Lot-et-Garonne et de GROUPAMA. Il a valu au GIASC du villeréalais de se voir décerner le label européen « Wildlife Estates – Territoires de faune sauvage » en 2018.
Les actions « bords de champs »
Sans affecter la vocation agricole de la parcelle ou la rentabilité économique de la culture, l’action sur le bord de champ permet d’intervenir là où, précisément, la faune sauvage satisfait la plupart de ses besoins et de le transformer en véritable « zone de compensation écologique. » La perdrix et le faisan établissent leur nid dans la banquette herbeuse, en pied de haie. À mi-hauteur, dans la strate arbustive, c’est la tourterelle des bois et le pigeon ramier que nous observons.
Les arbres de haut jet accueillent de nombreux passereaux dont le chant égaye nos campagnes. Les bandes enherbées qui montent en graine ou les bords de champs où poussent des adventices spontanées accueillent non seulement les nichées mais aussi les insectes dont se nourrissent perdreaux, faisandeaux et nombre de passereaux, ainsi que les graines indispensables à l’alimentation de nombreux oiseaux, dont la tourterelle ou la perdrix.
C’est également dans la haie que l’on rencontre le hérisson et l’écureuil ainsi qu’un cortège presque infini d’invertébrés, sans oublier les amphibiens et les reptiles. Entre haie, banquette herbeuse et bande intermédiaire de terre nue, les insectes, notamment les pollinisateurs, y profitent des fleurs sauvages alors que ceux dont se nourrissent les oiseaux y abondent. Tout au long de l’année, le couvert végétal diversifié permet à la petite faune de se déplacer sans être repéré par l’œil acéré de ses prédateurs.
La tourterelle des bois niche dans la strate arbustive de la haie, généralement dans un pied d’aubépine (Crataegus sp.), de noisetier (Corylus sp.), de prunellier (Prunus spinosa) ou de sureau (Sambucus sp.). La présence de ronces, d’églantier, de lierre, de chèvrefeuille ou autres lianes, particulièrement appréciée, dissimule le nid. Cet exemple montre que la composition de la haie n’est pas neutre.
Les actions « intercultures et précautions diverses »
Les chaumes particulièrement ceux des céréales à paille, présentent un grand intérêt. Leur maintien, au moins jusqu’en septembre, contribue fortement à améliorer le taux de survie estival de nombreux oiseaux, de la perdrix à la caille des blés, sans oublier les passereaux, dont l’alouette des champs ou, encore, l’œdicnème criard. Les résidus de récoltes, pailles et graines perdues par la moissonneuse et toutes les adventices qui subsistent ou se développent, offrent un couvert bien plus accueillant qu’un sol labouré et, surtout, des graines et des pousses vertes, qui nourriront la faune sauvage durant la fin de l’été, l’automne puis l’hiver. Par exemple, pour la tourterelle des bois, ces graines d’adventices et les grains de céréales tombés à la récolte sont très recherchés en attendant la maturité des tournesols.
Les couverts végétaux hivernaux, compatibles avec le maintien des chaumes, sont implantés pour prévenir le lessivage des sols. Féveroles, moutarde ou vesce sont semées en fin d’été puis enfouies juste avant le semis de la culture suivante, au printemps. Contrairement aux sols laissés nus durant l’hiver, la permanence d’une végétation permet à la faune sauvage de se dissimuler pour ne pas être capturée par un prédateur et lui offre une nourriture abondante, au moment où les campagnes en sont le plus dépourvues. Aux côtés des blés d’hiver et des colzas, ces intercultures sont donc appréciées par l’ensemble de la faune sauvage.
Très préjudiciable, la destruction des nids ou des nichées est évitée en veillant à réaliser le broyage des bordures de parcelles, des bords de chemins ou des jachères, comme la taille et l’entretien des haies en dehors de la période critique, à savoir, au plus tôt, en septembre et avant avril. Une fauche ou une moisson de la parcelle vers l’extérieur, ainsi qu’une vitesse d’avancement modérée diminuent le risque de destruction des poules sur les nids ou des juvéniles. L’installation d’une barre d’effarouchement à l’avant du tracteur est également particulièrement bénéfique.
Gestion conservatoire du petit gibier des champs et des haies
La passion pour la chasse de tel gibier ou de tel autre, est à l’origine d’une motivation exemplaire chez les chasseurs. Ils engagent de nombreuses actions sur le terrain, tant sur le plan de la gestion que de l’amélioration des habitats ou de la régulation des principaux prédateurs. Élaborés par la FDC dans le cadre de ses prérogatives réglementaires, en accord avec les sociétés de chasse, les plans de gestion cynégétique définissent des modalités de chasse par territoire. Pour la perdrix, par exemple, le nombre de jours de chasse de l’oiseau est réduit de 88 à 90 % par rapport à la période où la chasse pourrait être autorisée.
Afin de favoriser l’installation puis le maintien de noyaux de populations naturels dans les biotopes les plus favorables à l’espèce, des quotas de chasse, de 1 à 2 perdrix par chasseur par sortie et au maximum de 6 perdrix par an viennent compléter la mesure. Des mesures similaires sont prévues pour le faisan, avec parfois, de façon complémentaire, une limitation du prélèvement des poules. Un quota limite le nombre de lièvres que le chasseur peut prélever. Un dispositif de marquage doit être apposé sur la patte de l’animal dès que le lièvre est tué et le chasseur renseigne un carnet obligatoire.
Pour les oiseaux migrateurs, la période de chasse, rigoureusement encadrée, est plus large que pour les gibiers sédentaires. Des quotas interviennent également pour les grives ou encore la tourterelle des bois. Il s’agit d’adapter la pression de chasse pour que l’exploitation du patrimoine naturel soit raisonnable et durable. Les chasseurs installent aussi des agrainoirs, destinés à compenser un manque ponctuel ou saisonnier de disponibilités alimentaires dans le milieu naturel. Destinés aux perdrix, aux faisans ou à la tourterelle des bois, ils profitent aussi à un large cortège d’oiseaux granivores qui ne sont pas chassés.
Les pertes hivernales naturelles que connaissent les populations d’oiseaux représentent une part importante de la mortalité annuelle soit environ 35 % des effectifs de perdrix rouge. La rigueur de l’hiver conditionne les taux de survie des oiseaux et, à cette période de l’année, la possibilité pour les perdrix d’accéder facilement à une nourriture riche et en quantités suffisantes est déterminante. Les cultures faunistiques implantées par les sociétés de chasse pour être laissées à la disposition de la faune sauvage, peuvent également utilement compenser les manques.